28 may 2010

La Havane, Cuba, une île en insurrrection.

Este extraordinario reportaje fue realizado en 1886 por la francesa Gervessis-Mallisot aunque publicado once años después. La revista francesa por entregas Le Journal des Voyages lo mantuvo en publicación durante varias semanas, la periodicidad de la revista. Por su interés histórico y costumbrista lo reproduciré tal cual fue escrito, en francés, y con las mismas entregas que en su época. Le Journal des Voyages fue una revista muy popular que se publicó desde la segunda mitad del siglo XIX hasta los primeros años del  XX.





Voilà plus d’un an que la grande île de Cuba se debat contre l’Espagne. L’antique « Perle des Antilles », la Cubanacan des Indiens aujourd'hui disparus, la Couve ou la Coube des filibustiers français de la mer des Lentilles, revendique une autonomie complète que la métropole s’acharne à lui refuser. Quoique mon voyage à Cuba remonte à une dizaine d’années, je pense que mes souvenirs offriront de 1'intérêt à nos lecteurs et leur permettront de juger mieux les événements qui se déroulent dans la lutte ou 1'héroique révolté Maceo vient de trouver la mort.

Je connais un grand nombre d’îles; j'en sais de grandes et d'autres petites; j'en ai vu de montagneuses et de plates; j'en ai exploré dans lesquelles il fallait avancer la machete à la main à cause des forêts enchevétrées de lianes, et d'autres ou le sol déroulait à perte de vue sa désolante aridité. La grande île de Cuba, cette énorme lame de faulx dont la superficie égale le quart de l'Espagne ou bien le Portugal tout entier, se caractérise par la grande diversité entre chacune de ses régions.

Les massifs montagneux de chacune des extrémités et ceux qui dominent les vastes plaines du centre présentent tour à tour tous les aspects, depuis les Alpes suisses aux pilurages aériens et aux cascades gigantesques, jusqu'à 1'Altai cahotique de la Sibérie méridionale. Dans les plaines, la haute futaie alterne aves de vastes étendues marécageuses et de véritables déserts. Aprés les vallons recouverts d'un maigre buisson surgissent devant le voyageur d'immenses plantations de canne à sucre qui semblent une véritable mer figée, dont la surface se bossue partout.

Le matin où le paquebot Eclair nous amenait à la Havane, nous songeàmes tous à l'erreur du grand Christophe Colomb, lorsqu'il atterrit dans les mêmes paragés et crut que «ces terres, les plus belles que le soleil éclaire et que les gens aient jamais vues » appartenaient à 1'Asie dont elles formaient une péninsule terminale du côté de 1'Orient. Le soleil se levait quand nous entrames dans le port immense où des milliers de navires dressent une forét de mats connme une armée de lanciers et tournent régulierement la proue vers les quais comme des chevaux au ratelier. Nous défilions devant la grande cité, étalée joyeusement sur 1'une des deux presqu'îles qui ferment la célebre rade.

Comme toutes les capitales de colonies espagnoles, la Havane est une ville de garnisons militaires. De tous côtés nous arrivaient des airs de clairons qui sonnaient le réveil dans les casernes de la plaine, dans les forts des hauteurs et dans les batteries rasantes de la plage. C'est un grand plaisir pour les yeux que de voir se dérouler les nombreux quartiers de ce port, 1'un des plus grands du monde. Nulle part les maisons ne sont bariolées de couleurs aussi vives. 

Je me rappelle avoir discerné, pendant ce trop rapide passage du bateau, des villas peintes en blanc, en rose, en bleu, qui me rappelaient les plus délicieuses habitations de 1'Orient, sous leur toiture plâte et sous leurs terrasses parmi le gai fouillis des palmiers. Dans 1'embrasement général du jour levant, on apercevait de longues promenades qui restaient sombres sous leur voûte continue de verdure. Et la surface lisse des îlots nous apportait les brouhahas d'une population très dense, se démenant sous ce décor aussi joyeux que brillant.

Sur cent huit passagers que nous étions, je suis certain que pas un ne manquait sur la dunette où toutes les jumelles étaient braquees a tribord vers la féerique cite. Soudain toutes les miss et mistress se mirent à pousser de petits cris et à se bouchier le nez: une odeur atroce se repandit. « C'est toujours ainsi, m'expliqua un officier du bord. La rade n'est pas assez profonde et par.moment la quille des bateaux remue la vase puante du fond » Il est certain que ríen n’est plus desagréable que ces émanations et je ne saurais leur comparer que celles dés solfatares de Sicîle et des environs de Naples, si souvent tournées en ridicules par les farceurs rabelaisiens.

Il ne faut pas s’imaginer que la Havane soit uniquement composée de quartiers somptueux. Tout comme les plus belles capitales de I'Europe, elle a ses coins aux rues tourtueuses et obscures, ou deux voitures ne passent pas de front sans s'accrocher. Ainsi les disputes entre cochers sont-elles au moins aussi fréquentes et aussi poissardes qu'à Paris, ce qui n'est pas peu dire.

Aujourd'hui les hotels du grand centre cubain ont réalisé de notables progrès. Mais celui où je descendis le 28 juillet 1886 laissait beaucoup à désirer, quoiqu'il fût le meilleur de l'endroit. Cet établissement, tenu par un F'rançais, se composait d'une grande salle de restaurant au rez-de-chaussée et de nombreuses chambres à coucher au premier. Pas une ne possédait un lit véritable. Tous les voyageurs dormaient sur une toîle tendue.

Jétais tellement fatigué par les trois heures que j'avais passées debout sur le pont du navire, que je ne pris aucun repas et m'installai tout de suite dans la chambre que m'ouvrit notre compatriote.
« N'oubliez pas, me dit-celui-ci, de bien fermer les fenétres, la nuit, parce que la température varie trés brusquement. Et surtout ne marchez jamais pieds nus, à, cause des niguas

—        Les niguas ? demandai-je. Qu'est-ce que cela?
—        Ce sont d'imperceptiblea insectes extrémement désagréables. Ils pénétrent dans la chair, y déposent leurs oeufs et vous occasionnent des souffrances affreuses. »

Ainsi, ce beau pays a sa plaie entomologique, comme d'autres. Mais du moins on s'en peut préserver avec quelques précautions et jamais il ne m'arriva rien pendant mon séjour dans 1'1le. On n'évite pas aussi facîlement les puces des Allemands et les punaises des Italiens. Aprés un long repos dans l'espace assombri par les vérandas de l'hótel, j'entrepris une promenade; et naturellement je me dirigeai vers la plus belle, celle où se porte la foule dès que les premières brisas du soir succédent à 1'immobilité étouffante de 1'atmosphére du jour. Le paseo de Tacon peut rivaliser avec la Villa Reale de Naples. Il est même supérieur à sa rivale par les dimensions de ses arbres, rangés des deux cótés de 1'avenne sur une longueur de trois milles.

En m'àsseyant sur un dé ses bancs, près d'une fontaine où les jeunes filles venaient remplir leurs cruches de cuivre rouge, je ressentis avec une ineffable intensité la joie de vivre. Non loin de moi s'ouvrait un jardin où des myriades de flenrs sortaient des bosquets comme un couvent de fillettes qui mettent le nez aux fenêtres. Et c'est justement par ce jardin aux allées tachetées par les rayons du soleil que s'en allaient les belles porteuses d'eau, avec leur charge graciensement posées en équilibre sur la téte. Fraiche fontaine,  son monotone et trés doux murmure servait d'accompagnement à des babillements si harmonieux qu'on les eût pris pour le gazouillement d'une voliére. Et de partout émanait un parfum de roses et de violettes qui achevait d'étourdir la pensée et de 1'emporter dans les rêves paradisiaques.

Les équipages passaient à toute vitesse dans la promenade. La plupart d'entre eux consistaient en un cabriolet recouvert d'une capote. On nomme volanta ce véhicule trés remarquable par la longueur et la finesse de ses brancards. Le cocher est monté sur le cheval lui-même, de sorte que les promeneurs, nonchalamment étendus sur les coussins de la voiture n'ont rien qui les gène devant eux. Presque toutes les volantas sont à un seul cheval. J’eus la chance d'en héler une à deux trotteurs fougueux qui me firent sillonner trés rapidement la foule bariolée et bruyante.

A un carrefour qui ouvrait une longue aperçue sur 1'intérieur de la ville, je vis resplendir les vitres de l'hótel Agramonte. Quel beau nom! J'étais loin cependant de soupçonner alors qu'il serait porté, dix ans plus tard, par une héroine qui vient de passionner tous les défenseurs de 1'insurrection cubaine.

Mathilde Agramonte

Écoutez cette histoire : Il y a quelques moís, Mathilde Agramonte y Varona, jeune.fille prodigieusement belle, appartenant à la plus haute noblesse havanaise, rentrait dans une plantation dont elle restait la principale héritière depuis que son pére et ses fréres avaient été tués dans la révolte de 1878. Elle trouva son domaine dévasté et ses serviteurs égorgés par les Espagnols. 

Son sang ardent la secoua si violemment qu'aussitôt elle prit une résolution terrible. Elle s'enfuit, gagna les monts et rejoignit les bandes du grand chef Macéo. Celui-ci refusa d'abord d'admettre une femme dans son camp, où les privations et les dangers sont la récompense journaliére des combattants. Mais il dut céder devant les instances de Mathilde.

A peu de temps de là, Macéo conduisait un détachement de partisans sana armes, vers un port solitaire où 1'on devait trouver un batean chargé de fusils et de munitions. Prés de Quemados de Guinés, les Espagnols furent signalés. Pour donner au détachement le temps de se soustraire, il fallait que quelques patriotes se sacrifiassent. Mathilde s'offrit la premiére avec ses fréres et ses oncles. Macéo fit observer aux volontaires que pas un d'entre eux ne reviendrait de cette échauffourée et qu'il faudrait mourir jusqu'au dernier. Mathilde persista. 

Le combat commença furieusement. Les Espagnols reconnurent une femme dans la mélée qui était horrible. Ils la sommérent de se rendre. Pour toute réponse, elle mit sa carabine en joue et fit feu. Aussitót, el1e tomba percée de douze balles et trouva la force de crier, avant de mourir : Vive Cuba libre!

Gervéssis Mallisol  (à suivre)
Journal des Voyages et des aventures de terre et de mer
Nº 5, 2ème Serie, Dimanche 3 Janvier 1897

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